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Cependant mon ouvrage avançait. Levé dès l’aube, je montais à mon atelier pour y travailler avec ardeur jusqu’au déclin du jour.

C’est à ces habitudes laborieuses que je dus de faire quelque connaissance avec le géomètre. À l’aube aussi, il sortait de chez lui avec sa fille ; nous montions ensemble l’escalier ; et, tandis qu’il entrait dans son atelier pour désigner à cette jeune fille les travaux de sa journée, j’allais de mon côté m’établir dans le mien. Le voisinage et cette conformité d’habitudes nous rapprochèrent peu à peu ; malgré tout le prix que cet homme attachait à l’emploi du temps, il en était déjà venu à perdre une ou deux minutes en causeries sur le pas de la porte, lorsque le sujet que nous avions commencé à traiter en montant exigeait impérieusement quelques brèves paroles de plus.

Pendant que nous montions, sa fille montait devant nous, tenant la clef de l’atelier dans sa main. C’était une personne d’une taille agréable et d’une figure noble plutôt que jolie. Toujours tête nue, d’une mise extrêmement simple, ses beaux cheveux, lissés sur le front, étaient, avec sa jeunesse et sa fraîcheur, sa plus réelle parure.

Les traits d’une éducation forte se reconnaissent à tout âge chez ceux qui en ont reçu le bienfait. Bien que soumise et timide, cette jeune fille portait sur son front l’empreinte de cette fierté un peu sauvage qui se peignait avec plus d’énergie sur le visage de son père. Ignorante des manières du monde, elle en avait qui lui étaient propres, nobles et réservées, en telle sorte que, simple comme sa condition, elle n’en avait pas la commune et vulgaire physionomie.

C’était néanmoins une chose singulière et intéres-