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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/217

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péter : Généreuse Lucy ! mon bon génie ! En attendant que j’eusse trouvé un bon placement pour ma fortune, je la cachai tout entière dans le poêle, faute d’armoire ; après quoi, je sortis pour savourer, seul et à l’air des champs, la joie qui succédait dans mon cœur à des moments de si vive angoisse. D’ailleurs les événements avaient bien marché depuis le matin ; le temps pressait, et j’éprouvais le besoin de recouvrer promptement assez de calme pour réfléchir aux démarches qui me restaient à faire.

La première, c’était de tout confier à mon oncle, qui ne savait rien encore. Ce qui m’avait jusqu’alors porté à lui cacher mes projets, c’est la certitude où j’étais qu’il n’écouterait que la pensée de me rendre heureux, en facilitant mon établissement par de nouveaux sacrifices de sa part. Cette certitude même, jointe à ce que je savais de l’étroitesse de ses moyens, certaines privations, surtout, qu’il s’était imposées récemment depuis qu’il avait dû pourvoir à mon petit équipage d’artiste, m’avaient fait un devoir sacré de ne plus mettre à l’épreuve sa trop facile générosité. Mais tous ces scrupules tombaient par le fait de l’opulence dont j’étais redevable aux largesses de Lucy, en sorte que je n’avais plus qu’à l’instruire de ce qui s’était passé, et à le prier de mettre le comble à ses bontés, en allant, dès le lendemain, demander pour son neveu la main de Henriette. Nul doute que, s’il me faisait cette faveur, l’autorité de son âge, le poids de son assentiment et la douce cordialité de ses manières ne dussent assurer le succès d’une démarche d’où dépendait la félicité de ma vie. Je résolus de lui parler le soir même.