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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/260

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je détachai de l’autre mon manteau, dont je la couvris, tout ému du plaisir de le voir servir à un si charmant emploi. Quelques instants après, ayant fait un effort : — Monsieur, me dit-elle d’une voix jeune et timide dont le son charma mon oreille, puisque je ne rencontre pas ma mère, permettez que je me retire seule, — Je ne puis, lui dis-je, vous accorder cette demande, quelque envie que j’aie de ne pas vous déplaire. Vous êtes souffrante, je ne vous quitterai pas que vous ne soyez chez vous, et entourée des soins que vous méritez. Jusque-là, daignez vous confier à moi ; votre jeunesse m’inspire autant de respect que d’intérêt.

Elle ne répondit rien, et nous continuâmes à marcher. Je sentais son bras trembler sur le mien, et le trouble de la pudeur agiter sa démarche. Lorsque nous fûmes arrivés auprès d’une certaine allée, elle retira son bras : « C’est ici, dit-elle ; il me reste, monsieur, à vous remercier… — Mais trouverez-vous votre mère, quelqu’un ? — Ma mère ne peut tarder à venir ; je vous remercie, monsieur. — Alors permettez que je m’en assure ; car, pour le moment, je ne crois pas qu’il y ait personne chez vous, et dans tout le voisinage je n’aperçois pas une seule lumière. Veuillez me précéder. Il y a plus d’honnêteté à ce que je vous remette aux mains de madame votre mère, qu’à ce qu’elle sache qu’un inconnu vous a reconduite. » Pendant que je parlais ainsi, la timide enfant, à la vue d’une personne qui passait, était entrée dans l’allée où je la suivis. Je n’osai plus, dans cet endroit obscur, lui offrir mon bras, ni l’intimider de mon approche ; néanmoins, comme au contour de l’escalier je vins à manquer la marche, elle me tendit sa main par un geste involontaire, et en la saisissant j’éprouvai ce vif enivrement qui est comme