vis M. Prévère qui, debout dans sa chambre, me considérait. J’anéantis aussitôt ma lettre comme j’avais fait des autres.
M. Prévère continuait de rester les bras croisés, dans une altitude de réflexion et sans m’appeler, comme il lui arrivait quelquefois, pour nous donner une leçon, à Louise et à moi. Remarquant qu’il avait mis son chapeau et l’habit avec lequel il avait accoutumé de sortir, je pris le parti de m’asseoir, dans l’espérance que je le verrais bientôt s’ôter de cette fenêtre où sa présence m’imposait une grande gêne, sans que je voulusse néanmoins la lui laisser voir en m’éloignant moi-même.
Heureusement un ami, qui souvent déjà m’avait rendu d’éminents services, vint me tirer d’embarras.
C’était Dourak, le chien de la cure. Il n’était pas beau, mais il avait une physionomie intelligente, et une sorte de brusquerie vive et franche qui donnait du prix à son amitié. Sous les grands poils noirs qui hérissaient sa tête, on voyait briller deux yeux dont le regard un peu sauvage se tempérait pour moi seul d’une expression caressante et soumise. Du reste, haut de taille et plein de courage, il avait eu souvent des affaires ; et l’automne précédent, quelques jours après notre course, il était revenu glorieusement des chalets avec tous ses moutons et une oreille de moins, ce qui lui avait valu l’estime et les compliments du hameau.
C’est lui qui vint me trouver. Je me levai comme pour le caresser ; et, ayant l’air de le suivre où il voulait me conduire, j’allai chercher plus loin une autre retraite.