Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/296

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prisante était trop excessive pour ne pas me surprendre moi-même quelques moments plus tard. Aussi je la déchirai pour en refaire une autre, puis une troisième, jusqu’à ce que, déjà plus calme, et venant à réfléchir que mon sort, qui devait peut-être se décider le lendemain, serait une éclatante réponse à son outrageante lettre, je finis par dédaigner de lui écrire, et je retournai, pour toute vengeance, à mes douces rêveries.

Il était près de trois heures du matin lorsque je me mis au lit. J’espérais tromper par quelques heures de sommeil l’impatience avec laquelle j’attendais le lendemain ; mais à peine fermai-je les yeux pendant quelques instants, et, aux premiers rayons de lumière qui pénétrèrent dans mon appartement, je me levai pour m’habiller et pour attendre avec une impatience toujours plus vive. Les yeux fixés sur la pendule, je calculais l’heure à laquelle M. Latour devait se lever, se disposer à partir, être en route, et enfin se présenter à ces dames. Arrivé à ce moment, je composais son propre discours de mille manières, selon la situation, le lieu, les dispositions où il rencontrerait ses deux amies ; puis, aidé de toute l’illusion du désir et de l’amour, je prêtais à l’expression de ma bien-aimée et aux paroles de sa mère un langage qui comblait mes vœux. À la fin, l’attente me devint insupportable, et je me décidai à sortir sur l’heure, pour aller à la rencontre de la réponse que devait m’apporter M. Latour.

C’était dans sa propre campagne, à une lieue de la ville, que ce bon pasteur avait recueilli ces dames le jour précédent. J’en pris le chemin par une matinée de décembre, dont les impressions ne sortiront jamais de mon souvenir. Le temps était doux, les chemins