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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/330

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dents, et toujours disposés à piquer d’une balle un douanier qui aurait l’idée d’aller se promener sur le chemin qu’ils se sont réservé pour eux. Heureusement les douaniers, qui se doutent de cette circonstance, ne se promènent pas, ou se promènent partout ailleurs. Cela m’a toujours paru un signe de tact chez les douaniers.

Douanes et contrebande, deux ulcères de nos sociétés. Les lignes de douanes sont une ceinture de vices, de libertinage, qui enserre un pays. Les expéditions de contrebande sont une admirable école de brigandage et de crime, d’où sortent annuellement de bons élèves que la société se charge plus tard de loger et de nourrir à ses frais dans les prisons et dans les bagnes.

J’ai eu souvent affaire avec les douaniers. Mes chemises ont eu l’honneur d’être palpées sur toutes les frontières par les agents de tous les gouvernements, absolus ou autres. Ils n’y ont rien trouvé de prohibé. À propos de chemises, voici une histoire. J’allais à Lyon. À Bellegarde, on fouilla nos malles, on voulut aussi palper nos personnes, crainte d’horlogerie ; car Genève n’est pas loin. Je me prêtai débonnairement à cette opération ; mais un officier anglais qui faisait partie des voyageurs, s’étant fait expliquer ce qu’on lui voulait, tira tranquillement son couteau de sa poche, et déclara qu’il couperait en deux « la prémier, comme aussi la sécond » qui ferait mine de le palper, même de loin.

Ce fut une grande rumeur. Les douaniers ne demandaient pas mieux que d’exécuter le règlement : mais ce grand gaillard de Waterloo, avec son coutelas d’acier fin, les intimidait souverainement. Cependant le chef répétait avec autorité : « Fouillez cet homme ! » mais l’autre répétait avec une croissante fureur : « Véné ! et