Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/336

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— Aussi Jean-Jean n’est-il pas revenu, reprit le second qui avait parlé. Voici tout justement, au bas de cette rampe, le trou où a péri sa carcasse. Le malin, quand nous le prîmes, pour se donner l’air d’un particulier, venait de jeter loin sa carabine : c’est celle-ci. Son procès fut vite fait. À peine on le tint, que Lamèche l’attacha à un arbre, et Pierre l’abattit d’une balle dans la tempe ; et le farceur ne lui dit qu’après : « Jean-Jean, fais ta prière ! » — Un affreux rire suivit ces horribles paroles, jusqu’à ce que le même homme s’étant levé pour donner le signal du départ : « Parbleu ! s’écria-t-il en m’apercevant, nous trouvons la pie au nid. Voici notre amateur ! » Les deux autres, à ces mots, se levèrent en sursaut, et je vis ou je crus voir une multitude innombrable de pistolets braqués sur ma tempe.

— Messieurs, leur dis-je, messieurs, je… vous vous trompez… permettez… baissez d’abord ces armes… Messieurs, je suis le plus honnête homme du monde (ils froncèrent le sourcil)… baissez, je vous prie, vos armes, qui pourraient partir sans votre volonté… Je suis homme de lettres… tout particulièrement étranger aux douanes… marié, père de famille… Baissez, je vous en conjure, vos armes, qui m’empêchent de recueillir mes idées. Daignez continuer votre chemin sans vous inquiéter de moi… Je me moque des douanes. Je m’intéresse même à votre métier pénible. Vous êtes d’honnêtes gens, qui portez l’abondance chez les victimes d’une odieuse fiscalité. J’ai l’honneur, messieurs, de vous saluer avec respect.

— Tu es ici pour nous observer ! reprit d’un ton de Cartouche le plus mauvais des trois.

— Du tout ! du tout !… je suis ici pour…