Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/351

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grâces modestes, loin de lui donner des compagnes, je craindrai même de la cueillir.

Ce n’est pas tout : cette jeune personne, en voyage, est plus rapprochée de vous ; ou bien son cœur, qui s’est déjà donné, la porte à fuir la vue des jeunes hommes, ou forcément votre présence l’intéresse, vos attentions lui sont agréables ; l’empire qu’elle exerce sur vous, le bonheur que vous éprouvez à ses côtés ne sauraient ni lui échapper ni lui déplaire, à supposer du moins que, délicat autant que sensible, vos sentiments se trahissent plus qu’ils ne se font voir. Et que d’occasions, à propos d’incidents qui naissent, ou d’objets qui se présentent, de témoigner un empressement flatteur, de se rencontrer dans une commune pensée, de sentir ensemble, de provoquer ou de voir naître cette sympathie à laquelle l’âge, le penchant, un irrésistible attrait convient, deux jeunes cœurs ! Cette sympathie, elle sera de quelques heures, d’une journée peut-être ; mais, si elle est passagère, elle est vive, elle est pure, et il en reste, au lieu de regrets, un souvenir plein de charme.

Et que sera-ce si ces objets qui se présentent à vos yeux sont ces vallons, ces forêts, ces monts sans nombre, ces glaces infinies, en un mot cette nature tantôt riante, tantôt sublime des grandes Alpes ; si à chaque instant un spectacle attachant provoque cette admiration expansive, ce besoin de partager des émotions dont le flot ne peut tenir tout entier dans le cœur, et que leur religieuse pureté affranchit du joug d’une pudique réserve ? que sera-ce si la jeune fille, au milieu de ces transports, oublieuse de sa rustique monture, vous laisse usurper le doux soin d’en diriger la marche et d’en régler les caprices ? Pendant que, la bride au