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Le Français était un élégant jeune homme, carliste d’opinion, de langage et de moustaches ; un de ces politiques de salon qui se flattent d’avoir conspiré, qui estiment avoir combattu en Vendée, et qui se persuadent que, l’Ouest pacifié, ils doivent à la tranquillité de leur famille de faire une tournée en Suisse, pour fournir au gouvernement un prétexte honnête de fermer les yeux sur l’audace de leurs antécédents ; du reste, jovial, le meilleur homme du monde, et des gants blancs.

Les deux Anglais étaient sobres de paroles, gauches de manières, mais très-passablement intelligents des beautés de la contrée. La fraîcheur des herbages, la limpidité des eaux, surtout la hardiesse des cimes, leur causaient une sorte de satisfaction intérieure, dont les exigences de leur dignité ne suffisaient pas toujours à réprimer l’expression. Beautiful ! murmuraient-ils de temps en temps, en échangeant un regard. D’ailleurs, ils étaient accoutrés avec cette simplicité confortable et dispendieuse qui distingue les touristes de leur nation : de beaux chapeaux de paille à larges ailes, parfaitement propres, mais froissés par l’usage, et négligemment posés sur leur tête ; des vestes en toile grise, d’une coupe commode, et recelant dans des poches profondes une longue-vue de Dollond, un porte-cigares en argent, et l’attirail des ingrédients nécessaires ou utiles dans un voyage en pays de montagnes. Même simplicité, même propreté recherchée dans leur linge ; et, au milieu de la gaucherie un peu lourde de leurs mouvements, cette assurance de jeunes lords qui, accoutrés en vue du but qu’ils se proposent, ont compté sur leur tailleur pour être à l’aise, sur leur bonne mine pour se faire distinguer, et comptent en tout temps sur leurs