Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/363

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the King… ce qui aurait été tout autrement amusant que le silence qu’ils gardèrent alors. Toutefois, s’ils s’étaient trouvés offensés, ils eurent une prompte revanche. Notre compagnon, pour jouir de la vue, venait d’établir sa chaise mécanique ; à peine s’y fut-il posé, que, les trois pieds se brisant à la fois, il tomba à la renverse le dos dans la poussière, et la tête dans une flaque… Non, je n’ai jamais vu deux Anglais éclater de rire avec un si parfait ensemble, un timbre plus bruyant, et une plus entière satisfaction. Pour le Français, il se releva en jurant, lança les débris de sa mécanique dans le torrent, et fit ensuite chorus avec nos rires le plus franchement du monde.

Cependant la pluie, au lieu de cesser, tombait avec une violence croissante : — Nous sommes ici en Angleterre, dit bientôt le Français, je ne m’y trouve pas mieux pour cela… Après tout, mieux vaut marcher trempés que de sécher sur place. Qui m’aime me suive ! Et il se mit gaiement en route. Les Anglais en firent autant bientôt après, et je suivis leur exemple.

Lorsqu’on est jeune, en bonne santé, lorsque surtout on a le goût et l’habitude des voyages à pied, ce n’est point une aussi triste condition qu’on le pense que de poursuivre sa route en affrontant la tempête. On est mouillé ; l’eau, comme dit Panurge, entre par le collet et ressort par les talons ; mais ce sont là les arrhes du vif plaisir qui nous attend : celui d’atteindre le gîte, celui de dépouiller ses vêtements humides, celui de présenter à la claire flamme du foyer ses membres roidis, celui enfin de venir asseoir sa fatigue et restaurer ses forces autour d’une table bien servie. D’ailleurs, n’est-ce rien que d’assister à ces grandes scènes ? L’âme n’y goûte-t-elle aucun charme, elle en tout temps avide de