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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/376

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pagnon était à l’œuvre. En approchant, nous croisâmes deux voyageurs que nous vîmes avec surprise s’engager, à cette heure avancée, dans le sentier de la Forclaz. C’étaient nos deux Anglais. À son arrivée, le Français n’avait rien eu de plus pressé que de les réveiller pour leur annoncer l’agréable nouvelle que, comptant sur leur politesse, il avait promis leurs lits à deux dames qui allaient arriver. Les deux Anglais, visiblement contrariés, étaient sortis du lit silencieusement, et, après s’être irrités contre l’hôtesse, qui leur proposait de coucher dans le fenil, ils s’étaient décidés à partir.

J’ai décrit plus haut l’hôtel du lieu. Nous y arrivâmes vers dix heures. En passant devant la porte de la cuisine, nous aperçûmes un grand mouvement de gens allant, venant, et, au milieu, notre Français qui, illuminé par le flamboyant éclat du foyer, donnait ses ordres, tout en veillant sur une sorte de casserole où bouillonnait un mets écumeux. « Montez ! montez ! nous cria-t-il. Impossible que je quitte mon sambayon ; il y va de ma gloire et de votre entremets. » Nous montâmes dans la salle d’en haut, où les trois géologues, conviés au festin, nous accueillirent avec une cordiale bonhomie. Je trouvai cette salle bien changée. Les deux lits n’avaient pu être enlevés, mais ils étaient disposés avec décence, et le Français, s’étant fait livrer toutes les nappes de la maison, les avait suspendues aux fenêtres en façon de rideau, profitant de l’ampleur de ces blanches toiles pour les relever en festons sur les côtés. Cette seule disposition, en ôtant de cette salle de cabaret le souvenir de sa destination, lui donnait un aspect de convenance et de propreté qui rehaussait le plaisir de tous, et de nos dames surtout. Mais ce qu’il fallait admirer, c’était la table. Six chandelles proprement ajus-