Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

naturelle, la paix et le calme renaissaient rapidement dans mon cœur.

Toutefois diverses choses me causaient encore quelques inquiétudes. Nous dépassions de temps en temps des pierres avec des inscriptions, et de petits enclos entourés de balustres noirs. Près de l’un d’eux, j’avais remarqué de loin une femme dans une attitude de recueillement. Je m’attendais à ce qu’elle tournerait la tête pour nous voir passer : mais, penchée sur l’enclos, elle n’en détourna point ses regards, et un sanglot étouffé, qui me parut venir du côté où elle était agenouillée, me jeta dans une agitation extrême. En effet, la voyant immobile, je me figurai bientôt que le sanglot partait de dessous l’herbe qui était dans l’enclos, et l’image d’un mort gémissant sous le poids de la terre me glaça d’épouvante.

Pendant que j’étais ainsi ébranlé, j’aperçus en avant du convoi deux hommes qui paraissaient nous attendre. À mesure que nous approchions, leur figure hâlée, leurs traits rudes, leur air silencieux, me faisaient une impression plus sinistre ; mais lorsque, arrivé près d’eux, le cercueil s’arrêta, et que j’eus vu des pelles, des pioches et un grand trou dans la terre, mes yeux se troublèrent et je sentis mes jambes chanceler sous moi. Ces hommes affreux prirent le cercueil par les deux bouts, ils le déposèrent dans le trou, et, saisissant leurs pelles, ils firent rouler dessus la terre amoncelée sur les bords de la fosse. Au bruit retentissant des cailloux et des os qui tombaient sur le bois, mon imagination mêlait des sanglots, des cris, des gémissements ; et, quand le bruit devint plus sourd, je croyais entendre encore les râlements étouffés de mon grand-père.

Quelques instants après, nous étions de retour au lo-