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ma honte, de mon désespoir et de ma brusque sortie.

Mais où croit-on que m’avaient porté mes pas ? Sous les saules, dans le sentier, à cette place d’où, six années auparavant, j’avais considéré le pêcheur. C’est là que je sanglotais, sans savoir quel parti prendre. Néanmoins mon esprit, tout entier au milieu de ma famille, n’était point encore dominé par la peur ; et d’ailleurs, au travers de mes larmes, je voyais briller à l’autre rive une lumière qui me tenait compagnie sans que je m’en doutasse.

Cette lumière, en s’éteignant bientôt après, me donna le premier sentiment de ma solitude. Au moment où elle disparut, je retins machinalement mes sanglots, et je retrouvai le silence et la nuit. En regardant autour de moi dans l’ombre, j’entrevis des formes que l’éclat de la petite lumière avait d’abord éclipsées, et, pendant que je me livrais à cet examen, les larmes tarissaient tout à fait à mes paupières.




Je ne tardai pas à oublier aussi ma famille, et bien malgré moi, car je faisais tous mes efforts pour y retenir ma pensée, qui commençait à errer avec crainte dans l’ombre d’alentour. Comme je prévis que chaque instant allait ajouter aux terreurs dont j’étais menacé, je m’étendis tout doucement sous la haie qui me séparait des jardins, bien décidé à m’endormir.

L’idée était bonne, mais l’exécution difficile. À la vérité, mes yeux étaient clos ; mais ma tête veillait plus qu’en plein jour, et mes oreilles bien ouvertes me transmettaient, avec les moindres bruits, des images effrayantes qui écartaient toujours plus le sommeil de mes paupières. Aussi, voyant l’inutilité de mes efforts,