Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/72

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… Cet âge est sans pitié.

Réfléchissant depuis à cette verrue, je me suis imaginé que tous les gens susceptibles ont ainsi quelque infirmité physique ou morale, quelque verrue occulte ou visible, qui les prédispose à se croire moqués de leur prochain. Ne riez pas devant ces gens-là : c’est rire d’eux ; ne parlez jamais de loupe ni de bourgeon : c’est faire des allusions ; jamais de Cicéron, de Scipion Nasica : vous auriez une affaire.




C’était le temps des hannetons. Ils m’avaient bien diverti autrefois, mais je commençais à n’y prendre plus de plaisir. Comme on vieillit !

Toutefois, pendant que, seul dans ma chambre, je faisais mes devoirs avec un mortel ennui, je ne dédaignais pas la compagnie de quelqu’un de ces animaux. À la vérité, il ne s’agissait plus de l’attacher à un fil pour le faire voler, ni de l’atteler à un petit chariot : j’étais déjà trop avance en âge pour m’abandonner à ces puériles récréations ; mais penseriez-vous que ce soit là tout ce qu’on peut faire d’un hanneton ? Erreur grande : entre ces jeux enfantins et les études sérieuses du naturaliste, il y a une multitude de degrés à parcourir.

J’en tenais un sous un verre renversé. L’animal grimpait péniblement les parois pour retomber bientôt, et recommencer sans cesse et sans fin. Quelquefois il retombait sur le dos : c’est, vous le savez, pour un hanneton un très-grand malheur. Avant de lui porter secours, je contemplais sa longanimité à promener lentement ses six bras par l’espace, dans l’espoir toujours