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dant ce long espace de temps, j’ai vécu en Russie et en Italie, où je n’entendais guère parler d’eux. Vous voyez que j’ai eu tout le temps de les oublier, et j’ai pu croire qu’ils l’étaient aussi de tout le monde : c’est donc, à mes yeux, une véritable résurrection que vous avez opérée.

Vous m’invitez, monsieur, dans votre lettre, à composer quelque nouveau chapitre pour augmenter le trop léger volume de mes œuvres, qu’on a décoré depuis longtemps du titre d’Œuvres complètes, dans la prévision sans doute qu’elles n’auraient pas de suite ; j’en ai ratifié de bon cœur l’augure. Je sais bien que la fécondité accompagne ordinairement le talent, et je devrais envier cette prérogative qui m’a été refusée ; mais aussi combien d’auteurs célèbres ont trop écrit ! Il en est plus de trois que je pourrais nommer. Cette considération et mille autres plus fortes encore s’opposent au désir que j’aurais de vous satisfaire sur ce point. — Le temps pèse sur moi ; comment retrouverais-je aujourd’hui le fil léger qui me conduisait jadis dans les voyages dont vous venez de publier la description ? Il est trop tard ! il faudrait pour cela me renfermer de nouveau dans ma chambre ; et j’ai tant de choses à voir hors de chez moi, que je ne pourrais jamais m’y résoudre. Si même j’entreprenais d’écrire les observations de tout genre que je puis faire à Paris, vous sentez bien qu’en gardant une juste proportion avec celles que j’ai faites autour de ma chambre, plusieurs volumes in-folio ne suffiraient pas pour les contenir. Il me serait plus facile de vous parler de Naples, d’où j’emporte tant de regrets ; du Vésuve ; du beau climat d’Italie, qui contraste si fort avec la pluie et le brouillard qui m’ont accueilli à mon arrivée ici. — Le temps est beau maintenant ! me direz-vous. Mais, en employant à écrire le peu de temps qu’il m’est donné de rester à Paris, je répondrais mal au procédé de quelques amis qui me font sentir vivement le bonheur que j’ai eu de les connaître à Naples ; ce serait méconnaître aussi celui que j’éprouve en général de vos indulgents compatriotes. Ainsi, lorsque j’aurai sa-