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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/106

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DEUXIÈME PARTIE

— On assure qu’il y en a cinq cent mille !… Nous les attendons d’une heure à l’autre.

— Ah ! mon Dieu, si c’était vrai…

— Les Anglais-, voyez-vous, sont toujours un peu lents ; il leur faut la croix et la bannière pour se mettre en route, mais, une fois partis !… plus moyen de les retenir.

Au lieu des Anglais, on vit défiler sur les boulevards un long cortège mélancolique de chariots pleins de chevaux de bois, de gondoles peintes et dorées, de maisonnettes roulantes à fenêtres minuscules garnies de rideaux blancs.

Les forains nous quittent !

— Que voulez-vous !… Les affaires ne vont plus. En effet, au champ de foire, les carrousels plient bagage ; le musée d’anatomie emballe ses figures de cire ; à la ménagerie, on accroche des volets sur la cage aux lions. Ci et là, un clown se contorsionne encore sous les gifles du bamum, une danseuse à paillettes arrondit les bras pour attirer la foule…

Inutile ! Elle n’entre plus. Silencieuse, elle se promène sous les arbres poussiéreux, où flotte une odeur de friture. On sent que le monde ancien n’est plus, que les cloches, trombones et tambours ne peuvent chasser le fantôme de la guerre. Aussi les forains préfèrent-ils s’en aller.

— Mauvais signe ! dit Sauvelain, qui voit partout des sujets d’inquiétude.

Et se hâtant, avec Philippe, vers les banques de la