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L’EXODE

sonnel ; d’autre part, tourmenté de scrupules, il s’avoue que la noblesse de conscience lui commande de renoncer à ses aspirations. Mais un tel renoncement exige une puissance de caractère dont il se sent privé. Et il erre dans la mélancolie, entre sa femme, qu’il rend malheureuse, et une maîtresse dont il hésite à suivre les conseils audacieux.

Les esprits dénués de finesse morale s’étaient raillés de cet être mitoyen, soulevé d’ambitions et paralysé de scrupules. Quant au public, bonnes gens du troupeau, il avait condamné les tentatives d’affranchissement d’une intelligence qui cherchait une vie plus libre et un amour plus fécond, plus favorable au bonheur.

En évitant les solutions extrêmes, Philippe Héloir avait conduit son héros par les demi-mensonges, les demi-résignations, vers un « juste milieu » entre les rigueurs du mariage et l’indépendance nécessaire à qui veut atteindre un but personnel. Mais, l’écrivain, comme le héros, s’était perdu dans une région médiocre, où ne poussent que des fleurs hybrides et des fruits avortés.

Aussi préparait-il un nouveau livre, dans lequel il chercherait une issue vers cette « vie véritable », dont nous rêvons tous et qu’on n’atteint jamais.

Il avait tant souffert de l’isolement où il avait vécu, moins à cause de son mariage que de la vie, dont il avait toujours eu peur. Il n’y voyait qu’une lutte absurde et cruelle. S’il l’avait prise en dégoût, c’est qu’elle ne lui montrait que le désordre, la concurrence,