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QUATRIÈME PARTIE

Philippe s’approcha du vieillard en colère :

— Où est-il votre chien ?

— On me l’a pris, monsieur. Un policeman l’a emporté chez un vétérinaire. Je prétends qu’on me le rende.

Philippe essaya de calmer l’irascible bonhomme :

— C’est la loi anglaise, mon cher monsieur, chacun est tenu de s’y conformer.

— Alors qu’on nous envoie en France ! J’ai une sœur à Bordeaux… Qu’on me donne le moyen d’aller jusque-là.

Et il secouait sa crinière de vieux lion garrotté par l’indigence, par la force des choses, plus puissante que sa colère et sa volonté.

À l’aveu de leur situation misérable, la jeune fille rougit en détournant les yeux. On la sentait ulcérée. Dans sa méchante robe noire, si mince pour la saison, elle se redressait, les lèvres closes, les sourcils contractés ; et l’on devinait à l’éclat de son regard humide une âme orgueilleuse que blessait la charité.

— Écoutez, cher monsieur, dit Philippe, il y a moyen d’arranger cela. Si vous le permettez, j’enverrai votre chien à Bordeaux. Il y sera soigné par madame votre sœur, et vous le retrouverez après la guerre. D’autre part, on offre aujourd’hui une villa que je vous conseille d’accepter sur l’heure. Elle convient à votre rang et à votre famille. Si vous la refusez, vous exposerez ces dames à beaucoup d’ennuis.

Cette proposition surprit le vieillard. Il hésitait