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L’EXODE

qu’elle le méprisait de toute la hauteur de sa déception…

— Quinze jours après la rupture, je me suis rendu compte que ce n’était pas lui que j’aimais, mais le décor : les promenades à cheval au bord de la mer, les causeries nocturnes sur la terrasse… et cœtera !

— Et alors ?

— Alors… je m’imagine que je ne me marierai pas, comme tant d’autres, d’ailleurs, qui ne rencontrent pas le monsieur dont il est possible de s’éprendre au point de se donner à lui corps et âme, et pour la vie.

— Oh ! vous êtes trop exigeante !

— Je ne le suis pas… Je ne demande que de l’amour… Seulement, ma mère veut en plus que je fasse un beau parti ! C’est à dire qu’elle veut un ensemble de convenances qui ne se trouvent pas dans une musette… En attendant, ma vie se passe. J’ai vingt-quatre ans et je ne vois rien venir… hors des fêtards ou des coureurs de cotillons.

Elle croisa ses mains derrière la nuque et balança son soulier de toile blanche.

— Mais que voulez-vous faire, si vous ne vous mariez pas ?

— Que sais-je ?… Pour le moment, je cherche, mais je patauge dans le vague. Je ne vois rien, je ne trouve aucun appui. Il me semble que je dors depuis ma jeunesse et que je vais m’éveiller bientôt… Il y a dix ans que je bâille dans le gris.

Dieu sait pourtant qu’elle se sentait riche d’aspi-