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L’EXODE

Maeterlinck, que notre premier devoir est d’être heureux… Mais j’aperçois Lysette. Venez, nous irons jusqu’au village.

Ils descendirent au jardin, s’accoudèrent à la terrasse, où Lysette fit aborder sa barque. Et les cygnes, offensés, traçant sur l’eau des rayons d’argent, s’éloignèrent avec lenteur, d’un glissement majestueux.

III

Il s’en fallait que Lysette fût, comme Lucienne, encline à la mélancolie. Elle souriait à la vie ; elle en attendait de grands bonheurs. D’une simplicité charmante, elle « vivait » sans le savoir, sans y réfléchir, sans se tourmenter de projets lointains ni d’ambitions trop hautes. À voir l’amour et la joie se répandre d’elle, Philippe se persuadait que la nature humaine est bonne, et qu’il faut l’expérience du monde pour nous rendre égoïstes, vicieux et cruels…

Un soir, elle entraîna ses parents et Lucienne vers un chalet de bois, au milieu d’une pelouse, où des chanteurs italiens donnaient un concert.

Des lampions allumés se balançaient entre les arbres et sous le balcon du cabaret. Toutes les tables du jardin se trouvèrent occupées ; il ne restait de place que dans une galerie, au fond d’un recoin assez obscur.

Marthe, craignant un orage, regretta d’être venue :

— Regardez le noir du ciel !