Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/4

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pleine monarchie, produisirent sur les ruraux de l’époque l’effet d’un pétard tiré dans une nichée de marmottes. — Nommé représentant du peuple en 1848, il prit une part active aux travaux de l’Assemblée, appuyant tantôt la gauche, tantôt la droite, s’abstenant quand le cas lui semblait trop compromettant. — Dans ses votes de cette époque, on trouve à boire et à manger : il se prononça pour la suppression du cautionnement des journaux et l’abolition de la peine de mort, mais il vota la restriction des droits de réunion et contre la liberté absolue des clubs : l’évolution commençait. — Mis en disponibilité parle coup d’État du 2 décembre, il reprit ses fonctions d’avocat, et en 1858 défendit brillamment Orsini, qui en mourut. — Il fut alors envoyé par Paris au corps législatif où il fit partie des fameux cinq qui jetèrent tant de poudre à gratter sur les traversins de l’Empire. — Pendant plusieurs années, les cinq en question firent à tous les premiers ministres de Napoléon III une petite guerre aussi suivie qu’anodine ; la douce opposition-revalescière, de laquelle ils s’étaient fait une facile et avantageuse spécialité, eût pu se perpétuer pendant des siècles sans grand danger pour le pouvoir ; et l’on raconte que M. Billault aurait un jour dit à l’Empereur : « Sire !… ces gens-là sont très-embêtants, c’est vrai, mais il ne faut pas oublier qu’ils tiennent la place d’autres qui pourraient l’être bien davantage. » — Le peuple, lui, commençait à s’apercevoir de son côté que l’audace de ses mandataires avait un peu trop de ventre et qu’il n’était que temps pour lui de choisir des représentants plus ardents, qui ne se contentassent plus de protester légalement et poliment contre toutes les infamies avec la régularité et la tranquillité d’un balancier de pendule ; aussi, en 1869, M. Jules Favre eut-il toutes les peines du monde à être réélu. À Lyon, sa ville natale, il fut black-boulé à en rendre jaloux un débutant proposant un chef-d’oeuvre à l’éditeur Dentu ; et à Paris ce ne fut qu’au second tour de scrutin qu’il battit Rochefort de 3 200 voix à peine. — À propos de cet échec, beaucoup de gens crièrent à l’ingratitude des partis ; c’était la une grosse erreur ; ce fait dénotait simplement un réveil politique à la hauteur duquel ne se trouvaient plus ni M. Jules Favre, ni ses co-panadters. Rochefort, avec sa Lanterne, venait de prouver que le moment des hardis coups de sifflet était venu, et le peuple avait compris que la démolition de l’Empire devenant de plus en plus à l’ordre du jour, il lui fallait avant tout des hommes qui osassent se ruer dessus, sans s’inquiéter si c’était