Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/45

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j’en suis… Le temps d’affûter mes moustaches, et je suis à vous. » Il allait partir lorsqu’il apprit la mort du duc de Reischtadt. « Ah ! ah ! se dit-il, cela change les choses, jamais je ne m’étais tant aperçu que je suis le neveu de mon oncle. » — Il lâcha les Polonais avec l’aisance et la sérénité d’un homme qui remet le couvercle sur un puits dans lequel son propriétaire vient de tomber et demanda de nouveau à Louis-Philippe l’autorisation de rentrer en France comme simple citoyen ; c’était la troisième fois en deux ans ; le bonhomme promettait d’être tenace. — Pour la troisième fois, Louis-Philippe refusa cette autorisation avec une ampleur toujours croissante. — Louis-Napoléon, voyant que le père Philippe mettait décidément une stupide obstination à ne pas lui faciliter les moyens de le renverser, se mit à écrire des brochures d’un démocratique à se faire condamner à trente-cinq ans de galères, s’il s’était avisé de les relire vingt-cinq ans plus tard. — Ces différents ouvrages étaient loués surtout par la presse républicaine du temps : Armand Carrel, qui n’était pourtant pas un naïf, s’y laissa prendre et imprima dans le National que les ouvrages du Prince Louis annonçaient un noble caractère. Nous croyons que de la part d’un homme de talent une telle erreur est impardonnable ; il faut n’avoir aucune notion des choses de la vie réelle pour ne pas boutonner hermétiquement sur son cœur le gilet de la défiance quand l’on voit un prince faire des brochures libérales. Pour notre compte personnel, nous avons à ce sujet des principes si arrêtés, que le jour où nous verrions, par exemple, le comte de Paris se rallier au programme de Gambetta, notre première pensée serait de nous écrier : Ah ! mon Dieu !… pourvu que cette pauvre République ait le bon esprit de ne plus sortir trop tard le soir toute seule !…

En 1836, Louis-Napoléon, comptant sur l’impopularité de Louis-Philippe, crut le moment favorable pour tenter son premier coup d’État. Il pensait que le nom seul qu’il portait soulèverait toute la France en sa faveur. Le 30 octobre, à cinq heures du matin, Louis-Napoléon entre à Strasbourg, accompagné de son Persigny ordinaire, qui, habillé en homme-orchestre, marchait devant lui en jouant de la clarinette, du triangle et des cymbales. Les Strasbourgeois se mettent en chemise à leur fenêtre, quelques-uns leur jettent des sous. Ils se rendent directement à la caserne du général Vaudrey qui était gagné ; là, devant toute la garnison et après que Persigny a joué l’air de la reine Hortense comme ouverture, Louis-Napoléon s’adresse aux soldats en ces termes :