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une séance, quelques fragments des Châtiments de Victor Hugo, il refusa. Le motif qu’il donna n’était pas absolument mauvais. « Si j’étais un des rares opposants de la veille, dit-il, qu’on me permette de me tenir encore à part des trop nombreux fanfarons du lendemain. » Ce langage est noble ; mais nous ne partageons pas absolument ce respect exagéré pour les empereurs tombés. Debout, ils nous obligent à nous taire ; s’il faut encore qu’une fois à terre, la pitié nous empêche de parler, nous ne voyons pas très-distinctement à quel moment on pourra leur dire leurs vérités. — Une création récente et remarquable de M. Got, est celle de la Farce de maître Pathelin. Il a déployé dans ce rôle une verve incomparable. La scène de la folie feinte est un prodige d’invention et de hannetonnage de haute école. — Il paraît que pour se préparer à jouer cette scène d’imbécile, Got a loué pendant six semaines un abonné du Gaulois, par qui il se faisait expliquer tous les soirs les articles de cette feuille. — Got a appris trop de métiers pour n’avoir point fait de littérature ; il a écrit, entre autres choses, le livret de François Villon, opéra en un acte, représenté en 1857. Un peu plus, il allait en faire lui-même la musique. Augier lui ayant parlé d’une pièce dans laquelle il lui destinait un rôle de compositeur, Got s’était mis de suite à apprendre l’harmonie. Heureusement l’affaire n’eut pas de suite, et Edmond Membrée se chargea de la partition.

Au physique, Got est un homme aux traits rabelaisiens ; il est solidement charpenté, et sa force musculaire est l’effroi de ses camarades : il démet une épaule en donnant une poignée de main. On n’ose pas le faire jouer dans les mêmes pièces que Sarah Bernhardt, car l’on croit que s’il donnait un coup de poing sur une table, pendant qu’elle est en scène, elle s’écroulerait comme un jeu de jonchets.

Septembre 1873.

NOTICE COMPLÉMENTAIRE

DATES À REMPLIR
PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE

Got se voit distribuer, le... 18..., par Octave Feuillet, un rôle de militaire ; il part comme une flèche au ministère de la guerre pour se faire incorporer dans un régiment de ligne, afin de s’identifier avec son personnage. On le rattrape heureusement au moment où il allait signer un engagement de cinq ans. — Le... 18..., Coquelin Cadet lui ayant fait la plaisanterie de lui annoncer que le directeur du Théâtre-Français va le charger du rôle d’Abeilard dans un drame de Sandeau, Got court immédiatement… mais, cette fois encore, on le rattrape à temps. — Enfin, le... 19..., il meurt au moment où, pour se préparer à jouer le rôle d’un homme complètement ruiné, dans une comédie de Dumas fils, il vient de placer toutes ses économies dans les galions de Vigo.


LA BIOGRAPHIE, 15 CENTIMES. — PROVINCE, SOUS BANDE, 20 CENTIMES.

Paris. — Imprimerie F. DEBONS et Ce, 16, rue du Croissant.