Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 2, 1872.djvu/237

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offrir à son confrère cette accolade intime qui est la poignée de main des chiens, poignée de main qu’ils pourraient se donner même étant manchots des deux bras. — Dans les voitures publiques et dans les chemins de fer, les parents de Jettichjew avaient toutes les peines du monde à le faire admettre sans muselière. Un jour, c’était peu de temps avant qu’il commençât sa tournée européenne d’exhibition, il mit la police et la justice russes dans un grand embarras. Voici l’histoire : Il avait été à Saint-Saint-Pétersbourg, et il se promenait sur la place du théâtre lorsque tout à coup il fut pris du désir d’aller dans un kiosque creux lire les affiches de spectacles à l’envers. Il se dirigea vers le plus proche de ces monuments d’urinité publique et s’aperçut en y arrivant qu’il était occupé. Sans perdre un instant, il se mit à tourner deux ou trois fois autour du kiosque, flairant tour à tour les programmes affichés dans le bas de la colonne, puis s’arrêtant devant celui qui l’avait le plus séduit. Ce devait être un drame de Xavier de Montépin. Il étendit sa jambe au-dessus et le bénit. Un agent de police lui déclara procès-verbal ; mais lorsqu’il comparut devant ses juges, son avocat n’eut pas de peine à établir qu’il avait été dans son droit. Sur ces entrefaites, M. Berg, fils d’un directeur de théâtre de Saint-Pétersbourg, proposa à Jettichjew de parcourir avec lui l’Europe. Jettichjew accepta à la condition qu’il pourrait emmener son fils Fédor ; car, nous avions négligé de le dire, l’homme-chien a un fils tout petit, mais qui grandira, car il est épagneul. On manque de renseignements sur le mariage duquel est né cet enfant. On suppose cependant qu’à la suite d’un bal masqué où Jettichjew avait eu beaucoup de succès à cause de sa figure que tout le monde croyait postiche, il fit la conquête d’une femme à la mode, qu’il emmena souper. Quand le dessert fut devenu… irréparable, la belle dame lui dit : Maintenant, monseigneur !… ôte ton masque !… Jettichjew se mit à aboyer il était trop tard !… Depuis six semaines, Jettichjew et son montreur sont arrivés à Paris, où ils ont été engagés par le directeur du Vaux-Hall, qui les montre moyennant rétribution. — Pendant les premiers jours, cet industriel avait pris l’habitude de faire manger Jettichjew à sa table, mais il dut y renoncer à cause d’un tic qu’il remarqua chez son pensionnaire. Au milieu du repas, celui-ci se mettait régulièrement à se gratter le derrière de l’oreille avec le pied et envoyait toutes ses puces dans la salade ; alors, il prit le parti de faire servir l’homme-chien à part.

Au physique, Andrian Jettichjew est un gentleman assez complet. Ses manières sont élégantes, mais un peu irrégulières. Tout ce qu’il fait, il le commence en homme et le finit en chien, ce qui produit des effets trèsinattendus. Ainsi, par exemple, quand il a un compliment à faire à quelqu’un, il esquisse d’abord un sourire gracieux, puis, tout à coup, il laisse pendre sa langue de côté jusque sur sa chaîne de montre. — Une autre fois, il sort pour s’acheter une cravate et entre chez un bourre-