Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 3, 1873.djvu/4

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avec une brosse. Questionné sur cette escapade, l’enfant répondit que cet homme était un bonapartiste. — Quand un de ses camarades s’était exposé a une punition, il allait trouver le professeur et se livrait à une défense éloquente du coupable. Tout lui servait pour faire naître les circonstances atténuantes, et quand il avait ébranlé le juge, il faisait donner le truc à l’attendrissement qu’il maniait déjà avec habileté. « Oui, m’sieur, disait-il, Bidalot est un grand coupable. Il vous a mis des hannetons dans la coiffe de votre calotte, c’est vrai ; mais qui donc peut se flatter de faire dans la chute d’un élève de sixième jusqu’ici honorable la part exacte de la responsabilité humaine et celle de la fatalité ?… Si mes forces ne trahissaient pas mon courage (ici, le jeune Lachaud simulait à ravir un grand épuisement), je vous dirais : Rendez Bidalot a sa famille en pleurs qui l’attend demain dimanche. Vous ne voudrez pas que ce jour de fête soit un jour de deuil pour une tendre mère, pour une tendre sœur de huit ans, créature innocente et pure que le déshonneur de son frère tuerait. Pour moi, j’en ai la conviction, Bidalot n’est qu’un égaré, victime de la démoralisation qu’ont amenée dans nos mœurs les hommes du 4 Septembre ; et si, malgré mes efforts, votre verdict le flétrissait, je m’honorerais de me compter au nombre de ses amis et de lui offrir la main de ma tante. » — Nous avons donné presque in-extenso un spécimen des plaidoiries du jeune Lachaud afin de ne plus avoir à y revenir. Maintenant que son procédé est connu, on se rendra facilement compte de la façon dont il l’appliqua dans les nombreuses causes qu’il eut a plaider depuis. Ce fut toujours la même note, la note lacrymale ; le même système, l’amollissement des jurés par l’humidité. — Après avoir terminé ses études, M. Lachaud vint faire son droit à Paris et retourna se faire inscrire au barreau de Tulle où il débuta par la défense de Mme  Lafarge, cette aimable épouse qui, s’étant aperçue que son mari dormait la bouche ouverte, avait eu l’idée d’utiliser cette trappe comme piège à rats, en lui introduisant des gâteaux à l’arsenic dans l’estomac. — Ce procès, fit d’emblée une grande réputation au jeune avocat : plus de quarante mille femmes mariées prirent secrètement son adresse tout hasard. — Après avoir plaidé en province plusieurs causes importantes, entr’autres l’affaire Marcellange de Lyon, il vint a Paris, s’y maria, et fut bientôt une des vedettes les plus en vogue de la cour d’assises. — Nous n’entreprendrons pas d’énumérer ici les innombrables causes dans lesquelles il plaida. Ce qu’il arracha d’assassins à l’échafaud, ce qu’il rendit de brigands à leurs familles, est inouï. On a calculé que si l’impôt sur les factures avait été créé à cette époque, Me  Lachaud eût eu chaque année pour au moins quatre mille francs de timbres mobiles de deux sous à coller sur ses clients acquittés. — Citons seulement quelques-uns des principaux procès qui augmentèrent la renommée de l’illustre avocat : L’affaire Bocarmé (1851), celle de Mme  Pavie, accusée de