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Page:Toudouze - En robe de soie, 1888.djvu/15

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— J’ai tiré dès que je les ai vus, tout au bout de la rue : la cartouche a raté ! Alors j’ai appelé !…

— Bigre ! Tu dois une fière chandelle au mathurin ! Sans lui, tu y étais, fiston, affirme Germain Crozon.

— Sûr !

— Vivement, les enfants, la vermine est allée chercher des renforts ; faut pas flâner par ici, ce serait malsain.

C’est le matelot qui donne ce bon avis, après avoir jeté derrière lui un œil méfiant.

La robe de soie a quelques avaries, la capote rose a succombé dans la bagarre, mais le Breton n’a pas un accroc à la peau, et, après avoir rendu au moblot le fusil dont il a su tirer un si heureux parti, il a empoigné de chaque main un prisonnier par le collet de la capote.

— Hop ! Debout, les canards, et en route, mauvaise troupe, gronde-t-il, amusé.

Il a l’air d’un brave homme revenant du marché, un gibier au bout de chaque poing.

Le troisième prisonnier est tenu en respect par Germain Crozon ; on ramasse les armes abandonnées sur le terrain et on s’achemine aussi rapidement que possible du côté du plateau.

Cette fois, c’est Faraud qui prend la tête, le sac d’échalottes accroché au cou, les petits pots dans sa musette, le gros entre les bras, et tous, au bout du chassepot, portent triomphalement une botte de poireaux liés d’un brin de jonc.

On ne traîne pas dans les rues de Gagny, activant la marche tant qu’on n’est pas hors de danger, et enveloppant étroitement les prisonniers.

Quelle rentrée au plateau d’Avron, ce jour-là. Ah ! mes amis, on ne l’oubliera pas de longtemps : ce fut un triomphe, un vrai succès, comme si on avait battu l’armée allemande et opéré la trouée !

On fit fête au brave mathurin, encore empêtré dans les volants de sa robe de soie, mais toujours rayonnant et n’ayant pas lâché ses prisonniers, qu’il voulut conduire lui-même à l’État-Major. Sa face était si extraordinaire, dans cet accoutrement, entre les deux Prussiens, penauds comme des renards pris par une poule, qu’on en riait encore le lendemain sur toute l’étendue du plateau.

Le soir, au gourbi, la première escouade célébra la victoire par un repas de premier ordre, un frichti numéro un !

Faraud, remis de ses émotions, nous confectionna un morceau de cheval aux échalottes et aux petits oignons,