Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/103

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Mary-Galande, puisqu’il n’y avait pas de vivandière ! »

L’abandon du chevalier ne m’avait pas tellement abattue qu’il n’y eût encore prise chez moi à quelque consolation. Ce fut cet étrange singe de Mortibel qui en eut l’honneur ; et je vis bientôt que j’étais tombée de Charybde en Scylla ; car celui-ci, à défaut d’user des coups, apportait à sa cruauté de bien autres raffinements, prétendant qu’il fallait créer de l’épouvante chez la femme au moment de l’amour, et qu’elle en devenait mille fois plus désirable à éprouver ainsi une émotion si vive, et que lui-même ne savait plus ressentir. Aussi s’ingéniait-il à me causer les plus grandes terreurs, et qui toutes n’étaient point sans causes ; persuadée qu’il m’a fait, par je ne sais quel sortilège, de l’accompagner dans un voyage qu’il fit à travers l’Europe. Il y parut uniquement occupé, par tous les risques où il nous jeta, à me rendre folle de peur : l’excès de sa joie alors le transfigurait, c’était une bête prodigieuse qui se jetait sur moi, ou plutôt la foudre ; et je ne sais quelle incomparable joie qui me pénétrait, pareille à la lumière, pour me laisser enfin dans un néant où je méprisais la mort.

…………………….

Cette pauvre la S…, quand le chevalier enfin la quitta, fut moins habile à se reprendre. Heureuse, je l’avais vue déjà plier son amour comme une fleur sous le poids d’une abeille. Abandonnée, elle ne fit que languir, et il nous fallut bientôt en désespérer. Ce fut M. de Fontenelle, le frère, qui la confessa.