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LŒTITIÀ À TRIANON

Tout le monde sait que Lœtitia a été modiste, puis modiste-honoraire. Mais elle n’est plus rien de tout cela, ayant épousé l’année dernière un riche Portugais d’origine suisse, qui est mort tout de suite après, sans même avoir le temps de divorcer. La jeune femme jugea cela un peu ridicule ; après quoi elle se consola, en se disant, — comme on se le disait déjà dans Ephèse, — que le noir lui va bien. « Le passé, a excellemment écrit feu Ernest Capendu, porte des voiles de veuve. » Lœtitia fit comme le passé, pendant quelques mois. Aujourd’hui elle égayé son deuil d’un peu de violet : et pareil est le sourire d’une glycine, pendue au feuillage d’un cyprès noir, à moins qu’on ne préfère s’imaginer, en comparaison, la figure d’un prince éthiopien, basané, riche et joyeux, qui rirait avec un râtelier d’améthystes.

Quoiqu’il en soit, le deuil de cette Parisienne peut encore passer pour sévère. Il est sévère, mais juste, — à se servir d’une expression qui n’a peut-être plus toutes les grâces de la nouveauté — si juste même que la robe emplumée de la reine Karomama n’en trahissait pas plus que le fourreau de Lœtitia. C’est au point que l’observateur le moins attentif,