Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/170

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— Un jour aussi, peut-être, vous vous souviendrez de l’avoir fait sauter sur vos genoux.

La pluie. — Au sortir de l’agréable néant que nous venions de goûter sur sa chaise longue, la chambre parut remplie d’une poussière d’or et de jour, pareille à l’aventurine des laques.

— Regardez, me dit-elle : le diable qui bat sa femme, et marie ses filles.

À travers les lattes du store, apparaissaient des bandes de soleil rayées de pluie. J’ouvris la fenêtre, et il entra en bruit léger et voluptueux — comme des doigts de sœur qui battraient votre tempe fiévreuse.’

Pour que Prahly ne pleurât pas. — Je prenais le rapide de 10 heures ; Prahly vint me dire adieu à la gare, au risque d’être reconnue. Tout en marchant de long en large, sous la voûte de verre et de fer, elle se pendit à mon bras, où elle pesait si peu. Et plaise au ciel qu’elle ne pèse jamais plus à mon cœur.

En tête du train, on entendait battre et palpiter la machine, comme si elle eût été impatiente de prendre son élan à travers l’espace. Et ce bruit couvrait parfois les tendres paroles de mon amie. Car elle s’attendrissait : je voyais ses larges et fixes yeux, dont la prunelle, couleur de ciel brouillé, est ourlée d’un cercle noir, se voiler peu à peu d’un liquide éclat. Certes, Prahly allait pleurer sur ce quai de gare : un vieux monsieur, à la porte d’un wagon, déjà la lorgnait. Et s’il avait su, ainsi que moi, combien ses larmes sont belles….