Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/39

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— Tu peux y aller, va, j’sais pas l’allemand.

— Et ma poésie, monsieur Béhanzigue, ma poésie !

Béhanzigue se leva :

— Ce que je vais vous dire, madame, expliqua-t-il, puisque vous insistez, c’est un rien, une bleuette, que j’avais adressée jadis à la dame d’un parfumeur ; une femme très comme il faut, imposante, presque. L’idée n’est pas de moi ; c’est traduit d’un passage du Talmud de Jérusalem.

— Ah oui, Jérusalem, dit la jolie madame Chantepouille, d’un air pensif, qui lui allait comme un gant.

— Alors, c’est en youpin, c’te affaire-là, protesta son mari, qui ne comprenait pas toujours très vite.

— Tais-toi donc, monsieur Chantepouille, tu es insupportable.

— Dans mes vers, reprit Béhanzigue, j’appelais cette dame : Fauste. Mais, dans la vie civile, elle se nommait Adélaïde — qui est un peu long.

Et sans autres prolégomènes, il récita :

Aux rayons du matin changeant.
    Moins doré que tes boucles,
Fauste, j’ai rempli d’escarboucles
    Mon gobelet d’argent.

Bordant de roses son calice,
     Je l’ai près du soleil
Posé, pour qu’un reflet vermeil
     Dans l’ombre en rejaillisse.