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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/31

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plus de plaintes, se rhabillait, rentrait à l’hôtel, sous la lune, par les lacets bordés de cactus.

Mais un soir qu’il avait dîné en ville et ruminé de mauvaise humeur toutes ces nuits gâchées, il se jura de ne pas monter à la villa, pour cette nuit. Donc, ayant allumé un cigare, il alla faire un tour, tout seul, vers Lagha, revint, descendit jusqu’au port.

La lune n’était pas encore levée et à travers la nuit diaphane, couleur de saphir, Jacques pouvait apercevoir la mer palpitante.

Soudain, d’un petit caboteur qui était à quai, il entendit jaillir ce même rugissement qui depuis peu lui servait de diane avant l’heure. Sur le bateau, d’ailleurs, rien ne bougea, ni homme, ni cordage, et la machine semblait n’avoir de pression que ce qu’il en fallait pour faire hurler la mégère de fonte.

Quand ce fut fini, il y eut quelque bruit encore, comme d’un fourneau qu’on éteint, et puis un vieil homme qui fumait la pipe vint s’accouder à l’arrière.

— Holà hé, demanda poliment Jacques, quel fils de chienne de boucan faites-vous là, puisque votre raffiau est sur ses ancres ?

Le vieux mit la main au-dessus de sa bouche, comme pour parler bas : « Té, je vais vous