Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offris le gibier que j’avais tiré sur sa terre.

― J’accepte, me dit-il, mais à une condition, c’est que vous partagerez mon dîner.

J’avoue que cette proposition m’agréait mal, elle dérangeait ma journée ; mais nul moyen de m’en excuser.

― Je suis le pomiéstchik d’ici, votre voisin Radilov. Mon nom ne vous est peut-être pas entièrement inconnu, continua ma nouvelle connaissance. C’est aujourd’hui dimanche et il doit y avoir chez moi un dîner au moins passable, sans quoi je n’oserais vous inviter.

Je fis les banales réponses obligatoires et le suivis. Nous sortîmes du bocage de tilleul par une allée fraîchement sablée et pénétrâmes dans le jardin potager. Là, plantés à d’irréguliers espaces, se voyaient de vieux pommiers, puis un pavé de têtes de choux vert tendre. Le houblon s’enroulait en spirales autour des échalas. À gauche, un carré se hérissait d’innombrables baguettes embarrassées d’un fouillis de pois desséchés. D’énormes citrouilles plates semblaient traîner à terre et les concombres jaunes tranchaient sur les feuilles anguleuses et poudreuses. La haie, un treillis de houssines, était accompagnée d’une haute ortie. Çà et là, par groupes, croissaient le chèvrefeuille, le sureau,