Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/108

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― C’est un ancien pomiéstchik, m’expliqua mon nouvel ami ; il était riche, il est ruiné, il vit chez moi. Il passait jadis pour le plus redoutable petit-maître du gouvernement ; il a enlevé deux femmes à leur mari, il entretenait des chanteuses et on le citait lui-même pour le chant et pour la danse. Mais veuillez prendre de la vodka, la table est servie.

Une jeune fille, la même que j’avais vue passer dans le jardin, entrait.

― Voici Olga ! je vous prie de faire sa connaissance. À table, maintenant, s’il vous plaît.

Nous passâmes dans la salle à manger. Pendant la marche et pendant que nous prenions nos places à table, Fedor Mikhéitch, dont la récompense avait vermillonné le nez et allumé les yeux, chantait :


Retentissez, foudres de la Victoire !


Son couvert était mis à part sur une table sans linge, dans un coin. Le pauvre vieillard avait tout à fait oublié jusqu’aux premiers éléments de la propreté à table et l’on était forcé de le tenir à distance. Il se signa, reprit haleine et se mit à dévorer comme un requin. Le dîner était assez bien composé et, en sa qualité de dîner dominical, il ne se passa point sans la