Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/153

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chaient avec l’inconnu qui visiblement effrayé serrait la queue, dressait les oreilles et se retournait tout d’une pièce sans plier les jarrets et en montrant les dents, l’homme vint à nous et nous fit très poliment un salut. Son visage annonçait vingt-cinq ans. Ses longs cheveux blonds fortement parfumés de kwas se tordaient en immobiles mèches, ses petits yeux gris clignotaient affablement, tous ses traits encadrés d’un bandeau noir souriaient avec douceur.

— Permettez-moi de me présenter, dit-il d’une voix insinuante, je suis Vladimir, chasseur. J’ai appris votre arrivée sur les bords de notre étang et je viens vous offrir mes services, si cela ne vous est pas désagréable.

Le chasseur Vladimir parlait exactement comme font les jeunes premiers de province. J’acceptai ses offres et je savais son histoire avant d’arriver à Lgov. C’était un dvorovi affranchi ; enfant, il avait appris la musique ; son maître l’employait comme valet de chambre. Il savait lire, il avait même un peu lu et vivait maintenant comme beaucoup vivent en Russie, sans argent, sans métier, comptant sans doute pour se nourrir sur la manne céleste. Il parlait en termes excessivement recherchés et composait avec soin ses manières. C’était à coup sûr