Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/169

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montât au-dessus de la bouche, et deux fois même le pauvre Soutchok, le plus petit des quatre, lâcha des bouteilles à la surface de l’eau.

— Allons, allons, lui criait sévèrement Ermolaï, et Soutchok se débattait, s’agitait, sautait et arrivait par prendre terre en un lieu moins profond. Mais, même dans les cas les plus extrêmes, il serait mort plutôt que de s’enhardir jusqu’à s’accrocher à mes basques.

Harassés, souillés, trempés, nous arrivâmes enfin sur la rive. Deux heures après, nous étions assis et plus ou moins séchés dans un grand hangar à foin, et nous nous disposions à souper. Le cocher, Yegoudile, homme flegmatique, pensif ou plutôt somnolent, se tenait debout auprès de la porte et régalait cordialement de son tabac Soutchok. (Les cochers russes sont très liants.) Soutchok prisait à s’en faire mal : il toussait, crachait et reprisait encore. Évidemment, il y trouvait un grand plaisir. Vladimir était sombre, penchait de côté la tête et parlait peu. Ermolaï essuyait soigneusement nos fusils. Les chiens remuaient la queue avec une extraordinaire rapidité, dans l’espérance de la pâtée. Les chevaux piétinaient et hennissaient sous l’avant-toit. Le soleil bais-