Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/179

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J’appris aux enfants que j’étais égaré et m’assis à côté d’eux. Ils me demandèrent d’où j’étais, se turent et s’écartèrent un peu. Notre conversation n’avait pas été longue. J’allai m’étendre, à quelques pas des feux, sous un buisson à demi-dépouillé, et, de là, regardai les objets environnants. Le tableau était merveilleux. Autour des feux tremblait et expirait en s’appuyant à l’ombre un reflet rougeâtre arrondi au sommet. Une petite flamme s’élève, lance une lueur au-delà du cercle, insinue un jet de lumière, entre les rameaux dépouillés de l’osier sauvage et disparaît aussitôt qu’elle a paru. Alors s’élancent à leur tour de longues pointes sombres qui parviennent jusqu’au feu et c’est la lutte des ténèbres et de la lumière. Parfois, la flamme s’atténuant, le dôme lumineux se resserre, perce, sur le fond de l’obscurité croissante la tête blanche ou brune marquée de gris d’un cheval. Cette tête nous regardait avec une sorte de contention stupéfiée, puis se mettait à brouter les hautes herbes, puis s’abaissait, s’effaçait ; seulement on entendait encore l’animal brouter et s’ébrouer. Du lieu éclairé il était difficile de distinguer nettement ce qui restait plongé dans les ténèbres environnantes et jusqu’à de grandes distances tout était couvert d’un rideau noir. Mais plus