Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son coude et les pans de son armiak traînaient à droite et à gauche. Ilia très sérieux clignotait attentivement auprès de Kostia. Kostia baissait un peu la tête et semblait regarder quelque part au loin. Vania ne bougeait pas sous sa natte. Ils feignirent de dormir et peu à peu ils se remirent à causer. Ils parlèrent de leurs travaux aux champs, puis des chevaux, puis tout à coup Fedia se tourna vers Ilia, et sans doute reprenant une conversation interrompue, il lui dit :

— Eh bien ! tu disais que tu as vu le domovoï[1] ?

— Non, je ne l’ai pas vu, on ne peut pas le voir, répondit Iliouchka d’une voix faible et chevrotante qui s’harmonisait très bien avec sa physionomie, mais je l’ai entendu… et je ne suis pas le seul.

— Et où est-il, chez vous ? demanda Pavel.

— Dans la vieille robina[2].

— Vous allez donc à la fabrique ?

— Mais oui, mon frère, le petit Andiouchka et moi, nous sommes lisseurs.

— Voyez-vous, en voilà des ouvriers !…

— Eh bien, mais comment as-tu entendu le domovoï ? demanda Fedia.

  1. L’esprit malin d’une maison.
  2. On appelle ainsi dans les fabriques de papier l’endroit où l’on foule le papier déposé dans les cuves. (Note de l’auteur.)