Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/22

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― C’est un malin. Il y a vingt-cinq ans, son isba brûla. Il vint trouver feu mon père et lui dit : « Permettez-moi, Nikolaï Kouzmitch, de m’établir dans votre forêt sur le marais.

― Et pourquoi irais-tu vivre dans un marécage ?

― Comme cela, seulement vous, Nicolaï Kouzmitch, vous n’exigerez plus de moi aucune corvée. Fixez vous-même la dîme que vous jugerez convenable.

― Cinquante roubles par an.

― Soit.

― Mais sans arriéré, prends garde !

― Cela va sans dire : sans arriéré…

Et voilà qu’il s’établit sur les marais ; c’est alors que les autres moujiks le surnommèrent Khor.

― Il a fait fortune ? demandai-je.

― Il a fait fortune. Il me paye aujourd’hui cent roubles de redevances et je compte l’augmenter. Je lui ai dit bien des fois : « Rachète-toi, Khor, rachète-toi donc ! » Mais il m’assure, le coquin, qu’il n’a pas de quoi : « Pas d’argent ! » dit-il. ― Avec cela !…

Le lendemain, aussitôt après le thé, nous partîmes pour la chasse. En traversant le village, M. Poloutikine ordonna au cocher de s’arrêter devant l’izba qu’il appelait son bureau et cria :