Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/256

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comprendre qu’il n’est point vrai que plus on ôte plus il repousse… En toute autre chose d’ailleurs, Arkadi Pavlitch et Sofron n’étaient point de parti contre les innovations.

En revenant au village, le bourmistre lui montra un moulin à vanner, récemment importé de Moscou. Ce van fonctionna sous nos yeux à la gloire de Sofron… Et pourtant, s’il avait pu prévoir le désagrément qui l’attendait en cet endroit, il se serait certainement privé de ce dernier plaisir.

À la sortie du hangar, à quelques pas de la porte, près d’une mare où s’ébattaient trois canards, nous aperçûmes deux moujiks : l’un, vieillard de soixante-dix ans ; l’autre, garçon de vingt ans, tous deux vêtus de chemises rapiécées, des cordes pour ceintures et les pieds nus.

Fedocéitch s’agitait autour d’eux et les aurait probablement décidés à s’éloigner si nous étions restés plus longtemps dans le hangar. Mais, en nous apercevant, il se mit au port d’armes, et resta immobile sur place. Auprès de lui le starost indécis crispait ses poings. Arkadi Pavlitch fronça les sourcils, se mordit la lèvre et marcha droit au groupe. Les deux moujiks se jetèrent à ses pieds.