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XI


LE COMPTOIR


C’était en automne. Depuis plusieurs heures déjà, j’errais dans les champs avec mon fusil, et il est probable que je n’aurais pu atteindre avant la nuit la maison de poste de la grande route de Koursk où m’attendait ma troïka, si une pluie fine et très froide qui, depuis le matin, me poursuivait impitoyablement avec un acharnement de vieille fille, ne m’eût obligé à chercher autre part un refuge. Tout en m’orientant, j’aperçus une espèce de guérite rustique près d’un champ de haricots. J’y allai et, soulevant une grossière natte, je vis un vieillard si faible, si chétif, que je me rappelai en le regardant ce bouc mourant que trouva un jour Robinson dans une caverne de son île. Assis sur son séant, le vieux clignait de ses yeux ternes et mâchonnait,