Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/295

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— Oui, chez moi, mais tu vois quel orage.

— Oui, un orage, répondit la voix.

Un éclair illumina le forestier de la tête aux pieds. Un coup de foudre suivit l’éclair et la pluie redoubla.

— Cela durera longtemps, dit le forestier.

— Que faire ?

— Voulez-vous venir dans mon izba ? dit-il brusquement.

— Volontiers.

— Daignez donc rester sur votre siège.

Il prit mon cheval par le mors et le tira de biais. Je m’accrochai au coussin, qui suivait avec peine les ondulations d’un banc tourmenté comme une barque sur la mer ; j’appelai mon chien. Ma pauvre jument pétrissait la boue avec effort, glissait ; le forestier, en avant des brancards, inclinait tantôt à gauche, tantôt à droite, avec une démarche de fantôme. Nous cheminâmes ainsi longtemps. À la fin, mon guide s’arrêta.

— Nous sommes arrivés, bârine.

Une porte cria sur ses gonds, et quelques petits chiens aboyèrent à plein gosier. J’aperçus une izba dans une vaste cour entourée d’une haie. À travers une petite fenêtre, brillait une petite lumière. Le forestier mena le cheval contre le perron et frappa à la porte.