Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/30

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― Une baba, dit gravement Khor, c’est une travailleuse. La baba sert les moujiks.

― Qu’ai-je à faire d’une travailleuse, moi ?

― Tu préfères tirer tes marrons du feu des autres ? Bon ! on sait ce que tu vaux.

― Eh ! marie-moi donc, si tu y tiens ! Hein ?

― Assez, bavard ; tu vois bien que nous ennuyons le bârine. Je te marierai, va… Pardonne-lui, batiouchka[1], c’est un enfant, vois-tu, il n’est pas encore sage.

Fedia hocha la tête.

― Khor y est-il ? cria de la porte une voix familière, et Kalinitch entra dans l’izba chargé d’un bouquet de fraises champêtres cueillies de sa main pour son ami Khor. Le vieillard l’accueillit cordialement. J’examinai Kalinitch avec surprise, je ne croyais pas un moujik capable de ces délicates attentions.

Je partis pour la chasse, ce jour-là, quatre heures plus tard que d’habitude et je passai trois jours encore chez Khor. Mes nouveaux amis m’amusaient. J’avais gagné leur confiance ; en deux jours, ils en étaient venus à parler librement devant moi. Je les écoutais avec intérêt. Khor et Kalinitch ne se ressemblaient en rien : Khor était un homme positif et pratique, un tempérament administratif, un rationnel ;

  1. Petit père.