Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/42

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sphère est lucide et transparente, les oiseaux gazouillent, les jeunes herbes brillent d’un joyeux éclat d’émeraude… Vous attendez… Le fond de la forêt s’obscurcit peu à peu ; les lueurs vermeilles du soir glissent lentement le long des racines saillantes, puis sur le tronc des arbres et s’élèvent de plus en plus, montant, des branches inférieures presque dénudées, aux cimes touffues et endormies… Les dernières feuilles sont dans l’obscurité ; le ciel pourpré bleuit ; la senteur des bois devient plus âcre ; une humidité chaude s’exhale de partout ; un doux zéphyr respire autour de vous… Les oiseaux s’endorment, non tous en même temps, mais successivement, espèce par espèce, d’abord les pinsons, puis les fauvettes, et puis les ortolans… Dans les bois, il fait de plus en plus sombre ; les arbres se confondent en une grande masse noire ; au ciel bleu apparaissent timidement les premières étoiles.

… Tous les oiseaux dorment ; il n’y a que les rouges-queues et les petites épeiches qui sifflent encore, mais tout en sommeillant… Voilà qu’eux-mêmes se taisent… Une dernière fois a retenti sur votre tête la petite voix sonore du pouillot ; à distance on ne saurait dire où le loriot a exhalé son cri mélancolique. Votre cœur palpite, et tout à coup ― mais seuls les chas-