Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/58

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fille est mariée, elle ne vaut plus rien ; les enfants viennent, et c’est ceci et c’est cela… Comment voulez-vous qu’une femme pareille se tienne à la disposition de sa maîtresse, qu’elle observe ses habitudes ? elle n’a plus la tête à son service, elle pense à tout autre chose. Il faut juger humainement… Voilà qu’un jour nous traversions notre village, il y aura de cela ― à ne pas mentir ― une quinzaine d’années : nous apercevons la petite fille du starost, très jolie, ma foi, et, en vérité, avec de la tournure. Voilà que ma femme me dit : « Coco » ― c’est-à-dire, vous comprenez, c’est le nom qu’elle me donne ― « prenons cette petite fille à Pétersbourg… elle me convient… » Moi, je réponds : « Prenons-la, avec plaisir. » Le starost, bien entendu, tombe à mes pieds, vous pensez bien qu’il n’avait jamais rêvé pareil bonheur… sans doute, la jeune fille pleura, sanglota… c’est si bête, la jeunesse au village ! En effet, cela semble pénible tout d’abord : la maison paternelle, puis, en général… il n’y a rien là d’étonnant. Pourtant elle s’habitua bientôt à nous. On la plaça d’abord dans la chambre des filles, où on la mit au courant, cela va sans dire. Que croyez-vous ?… Elle fit des progrès si étonnants que ma femme en fut ravie, la dis-