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« Il est allé à la bibliothèque, pour y chercher des livres. Quant à être amoureux, il a d’autres chiens à fouetter ; et d’ailleurs, de qui le serait-il ?

— De vous ! » faillit répondre Pakline…

Mais il se borna à dire :

« J’ai envie de le voir pour causer avec lui de choses graves.

— De quelles choses ? fit Ostrodoumof. De notre affaire ?

— Peut-être de la vôtre… Je veux dire de la nôtre à tous. »

Ostrodoumof poussa un : Hum ! Il éprouvait une certaine méfiance ; mais aussitôt il se dit : « Après tout, qui sait ? Cette anguille se glisse partout ! »

« Le voilà qui arrive enfin ! » dit tout à coup Machourina ; et dans ses petits yeux cernés, tournés vers la porte de l’antichambre, passa je ne sais quoi de chaud et de tendre, comme une petite tache lumineuse.

La porte s’ouvrit, et cette fois on vit entrer un jeune homme de vingt-trois ans, coiffé d’une casquette, un paquet de livres sous le bras ; c’était Néjdanof lui-même.


II


En apercevant les trois visiteurs, Néjdanof s’arrêta sur le seuil, les enveloppa d’un regard, jeta sa casquette, laissa tomber négligemment ses livres sur le plancher, et, sans dire une parole, alla s’asseoir sur le pied de son lit.

Son joli visage au teint blanc, que la couleur sombre de son abondante chevelure d’un brun roux faisait paraître plus blanc encore, exprimait le mécontentement et le dépit.

Machourina se détourna légèrement, en se mordant la lèvre. Ostrodoumof grommela :