« Plus tard.
— Voyons, sérieusement, reprit Pakline, est-ce que tu aurais appris quelque chose… de désagréable ? »
Néjdanof bondit de son lit, comme poussé par un ressort.
« Eh ! quel désagrément te faut-il encore ? s’écria-t-il à tue-tête. La moitié de la Russie meurt de faim, la Gazette de Moscou triomphe, on introduit chez nous le classicisme, on interdit aux étudiants les caisses de secours ; — partout l’espionnage, l’oppression, la dénonciation, le mensonge et la fausseté ; — on ne peut plus faire un pas… Et tout cela ne lui suffit plus ! Il lui faut encore quelque désagrément nouveau ! Il me demande si je parle sérieusement !…
« Bassanof est arrêté, ajouta-t-il en baissant la voix ; on vient de me le dire à la bibliothèque. »
Ostrodoumof et Machourina levèrent la tête en même temps.
« Mon cher et bon Alexis, commença Pakline, tu es agité, cela se comprend… mais oublies-tu à quelle époque et dans quel pays nous vivons ? Chez nous, l’homme qui se noie doit encore fabriquer lui-même le brin de paille auquel il pourrait s’accrocher. Il s’agit bien de faire du sentiment ! Vois-tu, camarade, il faut savoir regarder le diable dans le blanc des yeux et ne pas s’exaspérer comme un enfant.
— Ah ! je t’en prie, assez ! interrompit Néjdanof avec angoisse, les traits contractés comme sous l’action d’une douleur physique. C’est une affaire entendue, toi, tu es un homme énergique, tu n’as peur de rien ni de personne…
— Peur de personne, moi ? murmura Pakline. Voyons ! voyons !
— Mais qui a pu dénoncer Bassanof ? Je n’y comprends rien.
— Un ami, ça va sans dire ! se hâta d’ajouter Pakline. Les amis sont de première force sur ce chapitre. C’est