Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/227

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si grand cœur, — ensemble ! Dites-nous seulement où il nous faut aller… Envoyez-nous ! —Vous nous enverrez, n’est-ce pas ?

— Où cela ?

— Au milieu du peuple, naturellement ! »

« Dans la forêt, » pensa Néjdanof, qui se rappelait les paroles de Pakline.

Solomine fixa un regard attentif sur Marianne.

« Vous voulez connaître le peuple ?

— Oui ; c’est-à-dire non pas seulement le connaître, mais aussi agir… travailler pour lui.

— Très-bien ; je vous promets que vous le connaîtrez. Je vous donnerai le moyen d’agir, de travailler pour lui. Et vous, Néjdanof, avez-vous l’intention de vous vouer… à elle… et au peuple ?

— Sans aucun doute ! répondit vivement Néjdanof… « Djaggernaut ! » pensa-t-il en se rappelant de nouveau les paroles de Pakline. « Voilà l’énorme chariot qui s’avance… j’entends déjà le grincement et le grondement de ses roues. »

— Très-bien, répéta Solomine d’un air pensif. Mais quand avez-vous l’intention de fuir ?

— Demain, si vous voulez.

— Très-bien. Où ?

— Chut… parlez plus bas, murmura Néjdanof. On marche dans le corridor. »

Tous les trois se turent un instant.

« Où avez-vous l’intention de vous réfugier ? reprit Solomine en baissant la voix.

— Nous n’en savons rien, » répondit Marianne.

Solomine reporta son regard vers Néjdanof, qui fit un signe de tête négatif.

Solomine allongea le bras et moucha soigneusement la chandelle ; puis il reprit :

« Écoutez, mes amis, venez chez moi à la fabrique. Ce n’est pas beau… mais vous serez en sûreté. Je vous cacherai. J’ai justement une chambre. Personne n’ira vous