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Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/241

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enfila les manches de sa souquenille, saisit les rênes. Les chevaux firent mine de partir, il les calma d’une voix enrouée par le sommeil.

Néjdanof fit asseoir Marianne sur le filet qui servait de siège, après y avoir préalablement étendu son manteau ; il lui enveloppa les pieds dans une couverture, — le foin était un peu humide, — se plaça près d’elle, puis se penchant vers le paysan, lui dit à voix basse :

« Où tu sais ; en route ! »

Les chevaux, renâclant, s’ébrouant, sortirent de la lisière du bois, et la télègue, secouée et cahotée sur ses vieilles roues étroites, roula sur le chemin.

Néjdanof soutenait sa compagne par la taille ; Marianne, écartant avec ses doigts glacés le mouchoir qui lui protégeait la figure, se tourna vers lui en souriant, et lui dit :

« Ah ! qu’il fait bon, qu’il fait frais, Alexis !

— Oui ! répondit le paysan, il y aura beaucoup de rosée. »

Il y en avait déjà tant, que les moyeux des roues, qui heurtaient les sommets des brins d’herbe du chemin, en faisaient jaillir des grappes de fines gouttelettes ; la verdure de l’herbe en était toute grise, d’un gris d’acier.

Marianne eut encore un frisson de froid.

« Il fait frais, il fait frais ! répéta-t-elle joyeusement. Et la liberté, Alexis, la liberté ! »


XXVII


Solomine, apprenant qu’un monsieur et une dame étaient arrivés en télègue et demandaient à le voir, s’élança aussitôt vers la porte de l’enceinte de sa fabrique.

Il ne demanda pas aux nouveaux venus des nouvelles de leur santé, et, se bornant à les saluer de quelques