Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/254

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Ce mot lui était échappé malgré lui. Le papier que Marianne avait entre les mains contenait en effet le portrait donné au jeune homme par Markelof.

« Un portrait ?… dit-elle lentement… de femme ? »

Elle lui tendit le petit paquet ; mais il le prit si maladroitement qu’il faillit le laisser tomber, et que l’enveloppe s’entr’ouvrit.

« Mais c’est… c’est mon portrait ! s’écria Marianne vivement… Oh ! alors, puisque c’est mon portrait, j’ai le droit de le prendre ! »

Elle le prit des mains de Néjdanof.

« C’est toi qui l’as dessiné ?

— Non… ce n’est pas moi.

— Qui donc ? Markelof ?

— Tu as deviné. C’est lui.

— Comment se fait-il que tu l’aies en ta possession ?

— C’est lui qui m’en a fait cadeau.

— Quand cela ? »

Néjdanof lui raconta dans quelles circonstances cela était arrivé. Pendant qu’il parlait, Marianne jetait alternativement ses regards sur lui et sur le portrait, et les jeunes gens avaient tous deux à la fois un vague sentiment qui leur disait : « Si lui avait été dans cette chambre, il aurait eu le droit d’exiger… »

Mais ni Marianne ni Néjdanof n’énoncèrent cette pensée à haute voix… peut-être parce que chacun d’eux la lisait dans l’esprit de l’autre.

Marianne enveloppa doucement le portrait dans le papier, et le remit sur la table.

« Brave garçon ! murmura-t-elle… Où est-il en ce moment ?

— Où il est ? Mais chez lui, dans sa maison. J’irai le voir demain ou après-demain pour des livres et des brochures qu’il voulait me donner, mais qu’il a oubliés au moment du départ.

— Vrai, Alexis, tu crois qu’en te donnant ce portrait, il ait voulu renoncer à tout, absolument à tout ?