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Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/284

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— Absolument rien.

— C’est cela que je dois répondre ?

— C’est cela même. »

Machourina, pensive, prit dans sa poche une cigarette.

« Pouvez-vous me donner du feu ?

— Voici une allumette. »

Machourina alluma sa cigarette.

— « Ils » s’attendaient à autre chose, reprit-elle. Dans les environs, ça marche autrement. Après tout, c’est votre affaire. Je ne suis venue que pour un moment, le temps de voir Néjdanof et de lui donner la lettre.

— Où irez-vous ?

— Très-loin. »

En réalité, c’est pour Genève qu’elle partait, mais elle ne voulait pas le dire à Solomine, qu’elle ne trouvait pas assez sûr, sans parler de cette « étrangère » qui était là ! On envoyait Machourina à Genève, quoiqu’elle ne possédât que quelques bribes d’allemand, pour apporter à une personne qui lui était inconnue la moitié d’un morceau de carton sur lequel était dessinée une grappe de raisin, avec deux cent soixante-dix-neuf roubles argent.

« Et Ostrodoumof, où est-il ? avec vous ?

— Non. Il n’est pas loin d’ici… il est arrêté en chemin. Mais celui-là répondra à l’appel. Pimène se retrouvera toujours, soyez tranquille.

— Comment êtes-vous arrivée ici ?

— En télègue, naturellement. Donnez-moi encore une allumette. »

Solomine lui tendit une allumette enflammée.

« Monsieur Solomine ! chuchota une voix derrière la porte. — Venez, s’il vous plaît !

— Qui est là ? qu’y a-t-il ?

— Venez, s’il vous plaît, répéta la voix d’un ton persuasif et avec insistance. — Il y a des ouvriers étrangers qui racontent quelque chose, et Paul n’est pas là. »